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Writer's pictureAnne-Cécile Leyvraz

Payer pour l’accès à la justice:une réalité pour de nombreuses personnes requérantes d’asile

Updated: Nov 19, 2020

Le 16 octobre 2017, le Tribunal fédéral (TF) a rendu une décision importante pour les mineur-e-s non-accompagné-e-s (MNA) en procédure d’asile en Suisse. Le TF a en effet exigé du Tribunal administratif fédéral (TAF), seule instance de recours en matière d’asile, qu’il renonce à la perception d’une avance de frais lorsque des mineur-e-s lui soumettent un recours contre une décision d’asile. Le TF estime que les avances de frais restreignent « de manière démesurée l’accès à la justice de personnes en situation de grande vulnérabilité ». Qu’est-ce que cette « avance de frais » et dans quelles situations est-elle demandée ? Pourquoi seul-e-s les MNA sont-elles/ils concerné-e-s ?


Une économie de temps et de moyens aux conséquences graves

Lorsqu’un-e requérant-e fait recours au TAF contre sa décision d’asile, son recours est en premier lieu examiné de façon sommaire, par un-e juge unique. Si ce juge estime que le recours est voué à l’échec, le paiement d’une avance de frais est demandé, afin de couvrir les frais de procédure du tribunal. L’objectif formulé par le TAF en 2002, lorsqu’il décide de ne plus accorder systématiquement la gratuité pour les recours concernant des MNA est de lutter contre la surcharge de travail. Près de 10 ans plus tôt, c’est dans une même logique d’économie de temps et de ressources que le gouvernement avait décidé de modifier la règle pour les requérant-e-s majeur-e-s et les familles en supprimant l’exemption systématique de l’avance de frais en matière d’asile. C’est ainsi que la gratuité est devenue l’exception, plutôt que la règle.


En cas de non-paiement de l’avance demandée dans le délai imparti, la conséquence est claire : le recours est déclaré irrecevable. La procédure se termine sans que les arguments du recours aient jamais été examinés en détail par la justice. Ainsi, dans le cas où le recours cherche à contester une décision de renvoi, la personne requérante sera renvoyée sans qu’une autorité impartiale et indépendante ait porté une attention minutieuse aux motifs invoqués par la personne menacée de renvoi. Cette conséquence est d’autant plus problématique qu’il arrive régulièrement que les requérant-e-s qui ont les moyens de payer l’avance de frais obtiennent au final gain de cause, alors même qu’un-e juge unique avait initialement estimé que le recours était voué à l’échec.


Retour à la situation antérieure à 2002 pour les MNA. Pourquoi ?

Désormais, lorsque des mineur-e-s font recours contre une décision en matière d’asile, le TAF n’est plus en droit d’exiger le paiement d’une avance de frais, à moins que ceux-ci ne disposent de moyens financiers importants. Le TF aboutit à cette conclusion en tenant compte de deux éléments. Il s’intéresse d’une part aux enjeux de la procédure d’asile, qui « ne relève pas de mécanismes portant sur des bagatelles ». A juste titre, puisque sont concernés, la vie, l’intégrité psychique et physique et la dignité humaine. D’autre part, le TF tient compte des spécificités des MNA en droit suisse et en droit international. Il rappelle que la loi sur l’asile exige que leur demande soit considérée comme prioritaire et que la Convention des droits de l’enfant oblige les Etats à leur accorder une protection toute particulière.


Et pour les autres ?

Dans sa décision, le TF ne s’est prononcé que sur la situation des MNA. La décision du TF ne touche donc pas les autres recours en matière d’asile, pour lesquels le TAF est toujours en mesure de demander le paiement d’une avance de frais. Cependant, le raisonnement adopté par le TF reste partiellement valable dans d’autres configurations.


Tout d’abord, dans le cas où un-e mineur-e accompagné-e est concerné-e par le recours, à l’exception de la dimension prioritaire de la demande déposée par un-e MNA, tous les autres arguments avancés par le TF s’appliqueraient. En effet, d’une part la procédure porte sur des enjeux fondamentaux, tels que la vie, la dignité et l’intégrité et d’autre part, l’obligation d’accorder une protection spécifique aux enfants découlant de la Convention sur les droits de l’enfant reste valable. Le texte de la Convention ne fait pas de distinction selon que l’enfant est accompagné-e ou non, et tout particulièrement l’article 22 consacré aux enfants qui cherchent à obtenir le statut de réfugié.


Pour les personnes majeures sans enfant, les arguments du TF mettant en exergue la spécificité des enfants tombent. Ne reste alors plus que l’argument relatif à la nature des enjeux de la procédure d’asile qui « ne relève pas de mécanismes portant sur des bagatelles ». Cet argument, n’est-il pas à lui seul suffisant ?

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