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Writer's pictureRobin Stünzi

Où en est la « crise » des réfugiés ?

L’attention politique et médiatique autour de la « crise des réfugiés » était à son comble il y a une année, mais elle a progressivement diminué en 2016. Si le terme de « crise » a été contesté à plusieurs reprises dans cette rubrique (voir N° 6, N° 12 et N° 25), nous reprenons cette notion à notre compte pour proposer un bref état des lieux sur trois de ces dimensions : les chiffres des arrivées, le nombre des personnes décédées et les réactions politiques des Etats.


En ce qui concerne l’effectif des demandeurs d’asile qui se présentent en Europe, les conclusions peuvent varier en fonction des indicateurs et des périodes considérés. Si le nombre de demandes d’asile déposées dans les pays de l’UE-28 pour le premier semestre 2016 est légèrement supérieur à celui du premier semestre 2015, les statistiques compilées par le HCR sur les arrivées par voie maritime montrent une baisse significative en 2016 puisqu’elles se montent à environ 315’000, alors que plus d’un million d’entrées avaient été comptabilisées en 2015. Ces dernières données permettent d’illustrer un phénomène majeur et sans doute inédit dans l’histoire récente des migrations d’asile vers l’Europe : la hausse spectaculaire de la fréquentation d’une route migratoire – celle de la Méditerranée orientale – à partir de juin 2015, puis son déclin tout aussi soudain et marqué à partir de novembre 2015. Comme le montre le tableau ci-dessous, cette évolution constitue un élément caractéristique de ce qui a été nommé la « crise des réfugiés », car la fréquentation de la route de la Méditerranée centrale est restée stable en comparaison. Si ce phénomène permet d’expliquer l’augmentation puis la baisse de l’attention médiatique et politique autour de cette question, nous manquons encore d’explications convaincantes pour le comprendre. Un certain nombre d’acteurs (principalement politiques) attribuent la baisse des arrivées en Grèce à l’accord entre l’UE et la Turquie, ou encore à la fermeture progressive des frontières dans plusieurs Etats des Balkans. Thomas Spijkerboer, professeur en droit des migrations à la Vrije Universiteit Amsterdam, a émis des doutes à ce sujet, en montrant que les dates de ces événements ne coïncidaient pas avec les baisses observées.


Si le nombre d’arrivées a incontestablement diminué depuis le deuxième trimestre de cette année, le nombre de personnes décédées en mer est resté à un niveau très élevé et comparable à celui de l’année passée (3604 en 2016 et 3771 en 2015, selon les estimations fournies par le HCR). Malgré la baisse de l’attention médiatique à son sujet, ces chiffres macabres nous rappellent durement que la « crise des réfugiés » est loin d’être résolue et qu’elle s’est même aggravée d’un point de vue humanitaire. En effet, ces chiffres rapportés au nombre des arrivées montrent qu’environ une personne sur 100 n’a pas survécu à la traversée en mer en 2016 alors que ce ratio était de une sur 276 en 2015.


Enfin, les réactions politiques des Etats membres de l’UE constituent un autre élément essentiel de la crise. Malgré les efforts menés de manière coordonnée pour contrôler les frontières extérieures de l’UE et contenir les candidats à l’asile dans les pays limitrophes, les réactions des Etats membres à l’égard des personnes déjà présentes sur le territoire européen ont été caractérisées par un manque de coopération et de solidarité. Ainsi, le mécanisme dit de « relocalisation » adopté en septembre 2015 peut être qualifié d’échec puisqu’à ce jour, à peine 6000 personnes sur les 160’000 initialement prévues ont été effectivement relocalisées. Par ailleurs, de nombreux Etats ont introduit des contrôles, voire des restrictions ou des plafonds à l’entrée des demandeurs d’asile à leurs frontières. Ces pratiques, souvent problématiques en termes de respect du droit international public et du droit européen, ont contribué à l’éclosion de nombreux camps informels, notamment en Grèce, au Sud de la Hongrie, ou entre l’Italie et la Suisse. Des milliers de personnes sont ainsi immobilisées dans des conditions indignes sur le territoire européen et nous rappellent que la crise de protection est encore bien réelle.

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