Contrairement à ce que l’on pourrait penser au vu de la bonne situation du marché de l’emploi en Suisse, il est souvent difficile pour les personnes réfugiées de trouver du travail dans leur domaine d’expertise. La deuxième partie de cette série sur l’accès au marché du travail pour les personnes réfugiées se penche donc sur la question de la reconnaissance de l’expérience et des qualifications.
Les personnes qui demandent la protection de la Suisse en raison de situations de conflit et de violations des droits de l’Homme dans leur pays d’origine amènent avec elles toutes sortes de compétences qu’elles peinent souvent à faire reconnaître. Prenons comme exemple le cas de João, tiré d’une étude de la Croix-Rouge suisse de 2012. Originaire d’Angola, il dispose d’un diplôme en pharmacie et a travaillé plusieurs années dans un hôpital militaire. Environ une année après leur arrivée en Suisse, João et son épouse obtiennent une admission provisoire.
Il tente alors de trouver un emploi dans son domaine mais apprend que son diplôme n’est pas reconnu en Suisse. Il se renseigne sur les possibilités de reprendre des études en pharmacie mais un conseiller en placement le convainc de se réorienter vers l’informatique. João se lance donc dans cinq années d’études tout en travaillant à temps partiel dans la restauration. Son épouse effectue quant à elle des travaux de nettoyage. Dans un premier temps, João et son épouse sont soumis à la taxe spéciale de dix pour cent sur le salaire brut qui s’applique à tous les requérant-e-s d’asile et admis provisoires. Leurs deux salaires ne suffisent néanmoins pas à faire vivre leur famille qui s’est entretemps agrandie de deux enfants.
Au moment de l’enquête, João se trouve dans sa dernière année d’études et son employeur lui a proposé un poste d’informaticien dès l’obtention de son diplôme. C’est alors qu’un nouveau problème surgit : au motif que sa famille dépend de l’aide sociale, les autorités cantonales refusent de renouveler leurs permis de séjour – qui ont entretemps été convertis en permis B.
Cette histoire illustre plusieurs des problèmes auxquels les personnes en quête de protection se trouvent confrontées lorsqu’elles cherchent à travailler en Suisse. En particulier, il est souvent difficile pour ces personnes de faire reconnaître une formation accomplie avant leur fuite. Cela est dû d’une part au fait que les qualifications obtenues dans des pays déstabilisés par des conflits sont souvent considérées comme inférieures aux qualifications acquises en Suisse, ce qui rend l’obtention d’équivalences particulièrement difficile. D’autre part, les personnes qui ont fui leur pays n’ont pas toujours pu emporter avec elles les documents nécessaires pour attester de leurs qualifications et leur situation ne leur permet plus de solliciter ces documents après coup.
Un autre problème est lié à la situation financière délicate dans laquelle les personnes en quête de protection se trouvent souvent et qui peut générer un cercle vicieux : N’ayant pas la possibilité d’accéder aux secteurs qualifiés, elles se tournent vers des emplois faiblement rémunérés qui suffisent à peine pour vivre. Mais dans ces conditions, il est particulièrement difficile de se lancer dans des démarches ou des nouvelles formations qui permettraient de valoriser leurs compétences déjà acquises. Elles se trouvent donc bloquées dans la précarité.
Dans cette perspective, l’exemple de João constitue plutôt un succès puisque ce dernier est, au moment de l’enquête, quasiment parvenu à terminer une formation qui lui donne accès à de meilleures conditions de vie. Son avenir dépend néanmoins directement de la décision qui sera prise concernant son permis de séjour. Il s’agit là d’un autre aspect problématique de la situation des personnes en fuite pour qui certaines décisions administratives peuvent changer le cours d’une vie.
Pour les personnes en quête de protection, le chemin vers une place de travail est donc bien semé d’embûches liées tant à des problèmes de reconnaissance de leurs compétences qu’à la précarité financière dans laquelle elles sont souvent bloquées ou à leur vulnérabilité face à des décisions administratives lourdes en conséquences.
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