Certains milieux politiques préconisent de manière répétée la confiscation des téléphones portables des requérant-e-s d’asile. Comme beaucoup de personnes en quête de protection ne portent pas de pièces d’identité sur elles, il devrait être possible d’examiner les données de leur portable dans le but de les identifier et de documenter leur fuite. En février, le gouvernement allemand a adopté un projet de loi qui permettrait à l’Office fédéral allemand des migrations et des réfugiés (Bamf) de fouiller dans les données des portables des requérant-e-s d’asile à la condition qu’un tribunal autorise l’opération, que la personne ne possède pas de pièce d’identité et qu’elle refuse de coopérer. Des critiques dénoncent qu’il s’agirait d’une atteinte disproportionnée au droit à la sphère privée et qualifient dès lors la mesure de contraire aux droits fondamentaux. Il est aussi relevé que cette loi placerait les requérant-e-s dans une situation plus défavorable que celle des délinquant-e-s présumé-e-s.
En Autriche et en Suisse aussi, l’appel à un examen possible des données des portables se fait plus fort. Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) se sert déjà de divers moyens pour déterminer l’identité et l’origine d’un-e requérant-e d’asile. En plus de l’audition détaillée à l’aide d’interprètes dans la procédure d’asile, il utilise l’analyse lingua qui permet de vérifier les allégations des personnes à l’aide d’analyses de la langue, des dialectes et d’indications géographiques.
Les requérant-e-s d’asile ont une obligation de collaborer dans l’instruction concernant leur identité et le déroulement de leur fuite. Ils doivent non seulement justifier leur identité et remettre leurs papiers à l’autorité mais aussi exposer les motifs pour lesquels ils ont fui. Il leur est aujourd’hui déjà permis d’invoquer des données de leur portable à titre de preuves. Ils peuvent ainsi montrer des photos pour étayer le récit de leur fuite et mettre à disposition des échanges de correspondance (sms ou e-mails).
Il existe aujourd’hui des procédures plus accessibles. Les autorités pourraient ainsi se pencher plus systématiquement que jusqu’ici sur le profil résultant des réseaux sociaux, dont l’accès est public et qui n’est donc pas protégé par le droit à la sphère privée.
Le téléphone portable est devenu aujourd’hui porteur d’une identité digitale complexe. Des recherches ciblées permettent non seulement de savoir avec qui et quand quelqu’un a téléphoné et où il se trouvait à un moment donné. On y trouve aussi souvent des photos, vidéos et autres enregistrements personnels de même que des mots de passe et bien d’autres indications. Il s’agit de données hautement sensibles qui appartiennent à l’individu. On oublie cependant volontiers que des smartphones peuvent aussi contenir des données personnelles de tiers non impliqués faisant partie de l’entourage proche des requérant-e-s d’asile.
Il n’est pas établi selon quels critères et dans quels cas les autorités auraient le droit de s’emparer de ces données. En droit pénal, le recours à des données des téléphones portables est réglé de manière restrictive. Les smartphones d’auteurs présumés d’infractions pénales ne peuvent être examinés qu’en cas de délits graves et de soupçons fondés. Il n’y a pas d’argumentation pertinente permettant de conclure que les personnes en quête de protection devraient être traitées selon les mêmes règles voire plus sévèrement. Actuellement, l’Allemagne connaît une grande vague d’opposition sur le projet de loi autorisant la fouille des téléphones portables des requérant-e-s d’asile. Il n’est pas sûr que ce projet passe la rampe au Parlement allemand. Le fait que ce procédé constitue une grave ingérence dans les droits fondamentaux est maintenant reconnu après des hésitations initiales.
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